En région parisienne, le cheval remplace les camions-poubelles

Plusieurs fois par semaine, une calèche tirée par un cheval de trait parcourt les rues de Saint-Prix à 30 kilomètres au nord de Paris pour récolter sapins et déchets végétaux. Proximité humaine et écologie sont les mots d’ordre de cette initiative.

Depuis plusieurs années, les chevaux et employés des « Calèches de Versailles » sillonnent les rues de Saint-Prix. © Sarah Lavoine

Sarah Lavoine

La nuit persiste quand l’odeur du crottin et le bruit des sabots bousculent les sens des joggeurs du complexe sportif de Saint-Prix (Val d’Oise). Dans un coin, derrière un portail vert, se cachent une petite écurie et une maison « vétuste mais qui a son charme », sourit Morgane, une employée des « Calèches de Versailles » de 31 ans. Une chienne Border collie au pelage noir et blanc remue la queue et surveille d’un oeil avisé l’impressionnant équidé de près d’une tonne retenu par une simple corde. Elle ne le lâche pas d’une semelle, sans peur et fidèle à sa nature de gardienne. Fleuron, 8 ans, est un cheval de trait de race Boulonnais, reconnaissable à sa robe unique : grise.

Les Calèches de Versailles, entreprise détenue par Johann Goubail est, comme son nom l’indique, basée à Versailles et se déploie à travers plusieurs activités autour de l’attelage : tourisme, travail agricole, balade, ou encore mariage et collecte de déchets verts. Chaque année depuis maintenant 12 ans, trois jours par semaine, des chevaux attelés arpentent les rues de Saint-Prix. Ce partenariat avec la commune et le syndicat émeraude (qui gère les ordures des dix-sept communes alentour) permet d’allier écologie et service de proximité à moindre coût : « C’est rentable pour une commune. Il y a toujours des terrains non constructibles qui peuvent être entretenus par les chevaux et utilisés pour les nourrir », explique Vincent, un second employé d’une trentaine d’années, tout en fumant une cigarette.

Les premiers jours de la collecte des sapins, 135 ont été ramassés. © Sarah Lavoine

« Ils sentent quand c’est utile »

L’aube tend le bout de son nez lorsque Morgane prépare Fleuron. L’impatience le gagne. Le regard joueur et curieux, il sent que son travail commence une fois attelé à l’« hippomobile ». La trentenaire prend les rênes : direction le centre-ville. Les rues résonnent au son des sabots puissants. Les premiers sapins peinent à se faire remarquer. Vincent, casquette rouge délavé vissée sur ses cheveux attachés et veste de travail orange sur le dos, saute par-dessus la calèche et attrape un épineux pour le jeter dans la benne roulante.

La question du bien-être animal ne tarde pas à être abordée. « On ne les fait jamais travailler deux jours de suite et pas plus de trois heures. On échange les chevaux entre les tournées et pour les plus grosses périodes, on peut aller jusqu’à quatre équidés », explique Vincent. « On considère qu’un cheval, sur le plat, peut porter jusqu’à trois fois son poids pendant six heures. Avec l’hippomobile [une petite voiture tractée, NDLR], on peut aller à presque deux tonnes et demi ». « Ils sentent quand c’est utile et ont envie d’aller travailler pour ça », est persuadée la jeune femme.

« Le cheval est un médiateur »

« Les gens font signe et sont contents en voyant le cheval. Cela crée une vraie proximité », constate Vincent. Les regards des passants se relèvent, des sourires s’affichent à la vue du boulonnais. Au détour d’une rue, un habitant en peignoir sort rapidement de sa maison, sapin à la main : « Je vous ai entendus ! », interpelle-t-il. Une jeune mère avec sa petite fille dans les bras s’arrête devant Fleuron : « Tu as vu ? », lui demande-t-elle. Sans réponse. L’enfant semble fascinée. Pour Morgane, « le cheval est un médiateur. Il interpelle tout le monde, de tous les âges. La police montée l’a bien compris ! » Un grand-père venu d’une commune voisine chercher son petit-fils se tient devant sa voiture ouverte. « C’est sympa cette initiative ! Mais pour l’écologie, demandez au maire d’éteindre aussi les lumières », interpelle-t-il, tout sourire. En effet, malgré le grand jour et les nuages gris, l’éclairage public et les décorations de Noël continuent d’illuminer les rues.

A côté, le stripeur [celui qui est à pied à côté d’un attelage, NDLR] court vers les arbres morts et les balance dans l’hippomobile. Au prix d’un jeu de zigzag entre les voitures, de demi-tours et d’aller-retours, le cheval garde le cap. Pourtant, l’agitation le gagne au bruit des sirènes ambulancières et de leur vitesse folle passant à côté de lui. Il piaffe, cherche à fuir. La voix de Morgane parvient à le rassurer, lui répétant « doucement », roucoulant, un code appris avec le cheval.

Un dernier arrêt devant la benne pour vider l’hippomobile et retour aux écuries après deux heures. Au final, 54 sapins sont récoltés sur les 800 épineux ramassés en moyenne chaque année à Saint-Prix. Broyés, les arbres seront utilisés dans les éco-jardins de la commune. Derrière le portail vert, la jument Comtoise attend l’arrivée de son compagnon. Doucement, Morgane guide l’énorme cheval pour sa marche arrière. « C’est un apprentissage mais lui ne l’a sûrement pas eu. Alors on prend notre temps pour lui apprendre », commente-t-elle. Aussitôt la voiture garée sous l’abri, le cheval est déchargé de son attirail et retourne à son box. Rapidement, de l’eau lui est donnée, et le matériel nettoyé. Le retour à Versailles est annoncé pour le soir, dans l’espoir que la traction animale se développe davantage.

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